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Matt Heller, Tamsin Johnston et Miles Newman

 

Notons d’emblée que le préavis est une question qui se retrouve un peu partout dans nos ententes collectives, vous pourriez même remplir un volumineux tableur avec toutes les exigences qui s’y rapportent (si vous le faites, envoyez-le-moi SVP).

Alors, commençons de façon plus précise : dans cette chronique, je vais traiter des préavis qui se rapportent aux services, aux délais que doit respecter une direction pour déplacer, annuler ou ajouter un service à l’horaire. 

 

Vous connaissez probablement par cœur les détails de préavis de votre propre entente, même si vous ne vous rappelez pas le numéro de l’article. À Calgary, c’est 28 jours de délai (7.02); à l’Orchestre du Centre national des arts, 42 jours (5.03); à la Compagnie d’opéra canadienne, 60 jours (article 4); pour le TSO, c’est 30 (7.2.6). Plus ne veut pas nécessairement dire mieux, mais ça donne la possibilité de planifier plus longtemps d’avance. Pour plusieurs parmi nous, c’est ce qui permet ou non d’accepter d’autres engagements, d’entreprendre des projets, de faire des auditions ou tout simplement de prévoir un repos bien mérité. 

 

Notons également que, comme nous sommes en 2020, beaucoup d’articles relatifs aux préavis de service ont été modifiés ou leurs délais abrégés dans des lettres d’entente temporaire. Pour l’instant, nous nous en tiendrons au statu quo tout en reconnaissant que nous vivons tous une période pour le moins inhabituelle. Dans des chroniques futures, j’espère traiter de force majeure et de lettres d’entente; mais pour le moment, reportons-nous à la période prépandémie, à l’époque où nos horaires étaient établis des mois à l’avance. 

 

Nous pouvons considérer notre article de préavis de service comme un engagement de notre employeur envers nous, par respect pour notre temps et même pour notre dignité de professionnels. Toutefois, c’est aussi un engagement que nous-mêmes prenons envers notre employeur d’accorder la priorité absolue au travail que nous faisons pour lui. Évidemment, les engagements sont faits pour être rompus, et les articles contournés. En fait, dans un grand nombre d’articles, on prévoit des processus précis pour les préavis tardifs en matière de changements à l’horaire des services. Dans quels cas sont-ils acceptables, dans quelles circonstances faut-il un vote d’approbation ou même combien à l’avance les musiciens doivent-ils aviser leur direction si le changement tardif crée un conflit d’horaire pour eux (Engagement pris antérieurement) ?

 

Dans la pratique, la plupart des orchestres changent rarement leurs horaires après la date prescrite. À Calgary, nous recevons généralement nos changements d’horaires exactement à la date limite. Tenir un vote d’approbation ou alors excuser tous les musiciens qui ont des conflits d’horaire légitimes pose souvent problème. Les administrations souhaitent sans doute plus de flexibilité, mais les articles sur les préavis les obligent à être prévoyants et à bien planifier. 

 

Ce qui ne veut pas dire que les choses soient toujours simples. Deux musiciens du Regina Symphony Orchestra (RSO), Tamsin Johnston et Miles Newman, ont rédigé un résumé des récentes négociations de leur orchestre au sujet des préavis, que je cite intégralement puisqu’il permet de saisir les nuances et les particularités de la question :

 

Il y a eu beaucoup d’aventures au RSO autour de notre article de préavis de service. Dans sa forme actuelle, il prévoit grosso modo un délai de 56 jours pour l’ajout d’un service. Ensuite, les détails du service doivent être communiqués dans les 28 jours, y compris l’heure exacte, le lieu, le répertoire et l’instrumentation. Nous avons également un article qui porte sur les engagements pris antérieurement et qui a un effet sur l’article de préavis. Si le préavis est donné moins de 56 jours avant le changement, les musiciens permanents doivent le respecter, mais ils en sont exemptés s’ils ont un engagement pris antérieurement. Comme vous pouvez l’imaginer, il y a bien d’autres nuances dans cette partie de notre entente. 

Nous avons obtenu les quatre semaines supplémentaires de préavis au cours de la dernière ronde de négociations, à l’automne 2019. Dans l’ancienne entente, l’administration pouvait apporter n’importe quel changement à l’horaire avec un préavis de 28 jours seulement, et malgré cela, on nous demandait quand même des dérogations de temps à autre. Sans surprise, cela a nui aux relations entre les musiciens et l’orchestre.

Pour des raisons tant musicales que financières, il a toujours été important pour nous d’accepter d’autres engagements si on nous en offre. Nous avons cultivé l’attitude selon laquelle ces activités sont mutuellement bénéfiques, pour l’orchestre et pour les musiciens, et au fil des ans nos directeurs l’ont interprétée de façons diverses. Malheureusement, la prise de décision discrétionnaire de libérer ou non un musicien d’un engagement du RSO n’a pas toujours été cohérente ou justifiable, même lorsque les changements à notre horaire étaient effectués dans les délais prescrits ! 

Il y a quelques années, il y a eu un changement radical à tous les paliers du Regina Symphony, et l’administration a voulu prendre une direction qui en  demandait davantage aux musiciens, particulièrement de ceux qui étaient engagés au service. Un des défis tient au fait que le sud de la Saskatchewan n’est pas une région très peuplée, ni débordante d’excellents musiciens professionnels. Tenter d’obtenir la loyauté tout en exigeant la flexibilité a toujours été un jeu d’équilibre délicat, et les complexités de cette partie de notre entente reflètent certainement notre histoire et notre identité comme orchestre.

 

Cette première chronique représente, du moins je l’espère, le début d’une série régulière qui plongera dans le merveilleux monde de nos ententes collectives. Je ne suis pas complètement ironique en disant cela. En effet, même si nos ententes ne rivaliseront jamais avec une partition de Mozart, je pense que ce sont des documents remarquables qui méritent tout l’amour et toute l’attention que nous pouvons leur accorder. Dans chaque chronique, je me propose d’examiner de près un domaine relativement limité. Je serais heureux de lire vos commentaires, vos questions ou vos corrections. Le plus beau compliment pour un chroniqueur geek, c’est une réponse geek. 


Contactez Matt Heller par courriel à This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.. Une compilation des articles relatifs aux préavis de service est disponible sur demande.